Eurovision: vision de l’Europe?

J’aimais le concours Eurovision de la chanson. Je me souviens l’avoir regardé à la télévision il y a tout juste 50 ans. Pour l’enfant que j’étais, c’était un événement : être autorisé à regarder la télévision le soir dans le salon avec mes parents, ça avait l’air important. Un événement.

J’en ai un souvenir à la fois vague et ébloui : chaque pays y était représenté par une chanson chantée dans la langue nationale. C’était une découverte de sonorités et de consonances inhabituelles, dans un faste impressionnant. Et puis, la grande gagnante fut une grande jeune fille italienne de 16 ans : belle chanson, voix d’or, visage d’ange. Du haut de mes 7 ans, je suis amoureux ! Je me rappelle encore des noms : Gigliola Cinquetti, et la chanson Nonoléta (« Non ho l’età » – Je n’ai pas l’âge).

Après, chaque année, ce fut un plaisir renouvelé, une découverte de sonorités inabituelles. Une découverte d’autres cultures. C’était un rendez-vous annuel dans le genre du concert du Nouvel An. Quelque peu guindé, certes, mais cet événement avait sa place auprès de bien de téléspectateurs.

 

Les années ont passé. Dois-je avouer que j’ai regardé l’Eurovision samedi soir ? Je l’avoue donc. Cela faisait des années que je n’étais plus fidèle à cet événement. Et il n’est pas sûr que je le regarde l’an prochain, d’ailleurs. Mais sait-on jamais.

Cela fait des années que je trouve que ce concours a perdu sa spécificité : la plupart des chansons sont interprétées en anglais, les sonorités sont devenues commerciales, la recherche du beau a disparu au profit de la recherche de l’éphémère. On ne cherche plus à découvrir l’autre, on cherche à faire du commerce en imaginant les goûts de l’autre. On invite peu à peu chacun à abandonner son identité. Combien ont chanté dans leur langue hier soir ? Une petite minorité.

Le charme n’opère plus.

 

Curieux, mais cela ressemble tellement à notre Union Européenne. Disparition des spécificités de chacun, standardisation, affadissement. Il fut un temps où l’Union Européenne constituait un concert de nations. Un concert est beau quand chaque instrument apporte sa spécificité, sa marque, son timbre, sa vibration. Mais les instruments peu à peu se ressemblent. Standardisation ! Et gare à qui ne suivra pas la Voie !

 

Mais, direz-vous, n’est-ce pas le contraire qu’on a vu samedi soir, avec la victoire de l’Autriche ? L’objet même de l’Eurovision est détourné : chaque pays montrait sa spécificité. L’idéal était de puiser dans les racines de sa culture pour exprimer au présent la richesse culturelle du pays. Que la chanson et son interprète nous y fassent voyager par la pensée. Vous avez voyagé en pensée en Autriche, vous ?

Soyons clair : cet individu a droit de vivre comme il l’entend. Et je me battrais pour cela. Je le respecte. Mais il ne représente pas l’âme de son pays.

L’Eurovision a cessé de me faire rêver. L’Union Européenne aussi.

Heureusement que je n’ai pas 7 ans aujourd’hui. J’aurais peut-être pu tomber amoureux !

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